Page:Saint-Martin - Poésies, 1860.djvu/47

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Heureux qui peut encor, contemplant tes ouvrages,
Y puiser chaque jours de sublimes images ;
Et sachant y répandre un brillant coloris,
Attendrir tous les cœurs, en frappant les esprits !
Mais, homme, cher objet de ma sollicitude,
C’est toi qui m’interdis cette attrayante étude ;
C’est ta main qui couvrit la nature de deuil,
Et qui fit de son trône un lugubre cercueil ;
Et quand tout m’est ravi dans ce lieu de détresse.
Ta raison, aggravant le chagrin qui me presse,
Veut encor me fermer le chemin de ton cœur,
Et laisser dans le mien s’isoler ma douleur.
Du sort, je comparais les différents caprices,
Les succès, les revers, les biens, les injustices,
En aveugles, sortant de ces aveugles mains,
En aveugles, suivant les aveugles humains.
Triste, je me disais : sans une loi commune,
Qui seule balançât ces jeux de la fortune,
Et qui, nous unissant par un destin égal,
Dans notre obscurité, nous servît de fanal.
L’homme ne saurait plus quelle est son origine ;
Se croyant séparé de la source divine,
Il se créerait des Dieux, et ses vœux imprudents,
Aux astres, au hazard, offriraient son encens.
Mais ce sévère arrêt qu’une loi souveraine
Prononce avec éclat, à la famille humaine ;
Ce décret qui ne dit qu’à nous : tu dois mourir ;
Et que nous savons seuls avant de le subir,
A de pareils écarts, oppose sa barrière,
Et répand sur notre être une vive lumière.