Page:Sainte-Beuve - Nouveaux lundis, tome 6.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

328 NOUVEAUX LUNDIS.

noter) obtient grâce et lui plaît de prédilection entre tous les auteurs dits du grand siècle. — Mais, pour la plupart du temps, ses vrais goûts sont ailleurs : Shakespeare, Gœthe, Heine, peuplent son ciel et sont ses dieux ; il sent plus volontiers le chef-d’œuvre étranger que le chef-d’œuvre national. Cette manière de sentir se répète eu peinture. Il y a une sorte de gris (c’est son mot) dans l’art français, qu’il peut estimer, mais qui ne Yenflamme guère. Il lui faut plus de soleil ou de neige, la clarté tropicale ou boréale ; Les extrêmes lui vont mieux que le tempéré. Ce que nous appelons netteté, limpidité, ne le séduit pas prodigieusement. Je ne suis pas très-sûr que des peintres comme Horace Vernet, des écrivains comme Voltaire (Iwrrasco referens) lui fassent l’effet d’être des peintres ou des écrivains. Le ragoût le tente. Il aime enfin tout ce qui a saveur et couleur. Cette disposition l’a conduit à unseutiment très-vif de l’art anglais, à le prendre depuis Reynolcls jusqu’à Landseer. La peinture anglaise, à l’état d’école libre et individuelle, produisit sur lui dès l’abord une très-grande impression, et il a été des premiers en 1855 à lui rendre justice, tout en luttant de lustre et d’éclat avec elle, dans une série d’articles de son meilleur et de son plus neuf vocabulaire. Il est allé renouveler et rafraîchir cette impression àsa source, et il l’a exprimée de plus belle dans toutes ses finesses et tous ses chatoiements, lors de Plîxposition de Londres, en 1862.

J’ai prononcé le mot de vocabulaire : Théophile Gautier a le sien qui est inépuisable et qui fait l’étonne-