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THÉOPHILE GA UTIER. s29

ment des connaisseurs par la précision et la distinction des nuances. Il est aisé d’y relever quelques excès et de l’abus. La langue ne gardera ou if adoptera pas tous les termes, d’art qu’il y a versés journellement ; mais il suffit pour son honneur qu’il en ait introduit un bon nombre et qu’il ait rendu impossibles après lui les descriptions vagues et ternes dont on se-contentait auparavant. Une beauté incomparable, merveilleuse, ineffable, extraordinaire, incroyable, toutes ces qualifications indécises et commodes, si chères au grand siècle, à lll" ? de Scudéry et à son admirateur, M. Cousin, qui n’est qu’évoquent et nullement peintre, ne sont plus de mise aujourd’hui. Le mot indicible n’est plus français, depuis que ce nouveau maître en fait de vocabulaire a su tout dire. Un jour, les théâtres chômaient ; le courant dramatique était à sec ; il n’y avait pas à l’horizon, aussi loin que la longue-vue pouvait porter, la plus petite voile de vaudeville, pas un trois-mâts de mélodrame qui se laissât apercevoir ; Théophile Gantier s’en revenait de Neuilly par le bois de Boulogne, pensif, méditant son sujet de feuilleton, et tout résigné déjà à n’en pas faire : il entre au Jardin (Pacclimatation, il visite ÏÀqtlüTllVïllù. son sujet est trouvé, et à peine arrivé au lllonlleui‘, debout, sur le coin d’un bureau selon son habitude, il écrit de sa plus jolie écriture et au courant de la plume, sans rature aucune, ce feuilleton de lŸAqitariimt (9 décembre 1861) où tous les mystères sous-marins sont racontés, — un petit chef d’œuvre de diction scientifique et descriptive. Car vous noterez, encore que ce qui paraît un tour de force n’en