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LIVRE PREMIER.

lièrement coadjutrice ; ce qui l’avait rendue malade d’affliction. Il y trouva tout à son gré ; il dit de cette maison qu’elle était vraiment le port royal, et ne l’appela depuis, dans ses lettres, que ses chères délices. On a noté chaque circonstance, chaque mot de ces précieuses visites ; Port-Royal y met un pieux orgueil ; accusé plus tard dans sa foi, il se pare des moindres anneaux d’or qui le rattachent à l’incorruptible mémoire de ce saint. La famille Arnauld, par tous ses membres, se hâtait de participer au trésor, et de jouir du cher Bienheureux : M. d’Andilly, absent d’abord, l’atteignait enfin, le quittait le moins possible, multipliait près de lui les heures, et communiait de ses mains ; madame Le Maître, en attendant le voile, lui confiait à genoux son vœu de chasteté perpétuelle ; le jeune Le Maître, âgé de onze ans, lui faisait sa confession générale ; le petit Antoine Arnauld (le futur docteur) était béni par lui avec tous les autres enfants dans un séjour à Andilly. Il disait sur chacun une parole, qu’on interpréta dès lors en prophétie : à en prendre le récit à la lettre, ce seraient autant de prédictions miraculeuses qui se sont l’une après l’autre vérifiées. Surtout il donna des directions attentives et particulières à la mère Angélique ; il l’unit d’esprit et de cœur, il forma sa liaison et correspondance avec madame de Chantal l’institutrice de la Visitation, autre amitié sainte dont on se montrera très glorieux : plusieurs lettres de l’une à l’autre attestent le commerce étroit de ces deux grandes âmes, comme on disait[1]. Mais ce qui ne nous importe pas moins, les récits, conservés à

  1. Il paraît bien, d’après toutes les Relations de Port-Royal, qu’en effet, madame de Chantal n’entra en correspondance avec la mère Angélique que par l’entremise du saint évêque. Dans les Lettres inédites de saint François de Sales (2 vol. in-8), publiées à Turin et à Paris, en 1835, et recueillies par M. le chevalier Datta, j’en trouve une adressée à madame de Chantal à la