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LIVRE PREMIER.

ternel en qui elle se pût remettre de ses inquiétudes persistantes. Depuis sa conversion à dix-sept ans, elle n’avait pas cessé tout bas de vouloir sortir de sa charge d’abbesse et même de son Ordre de saint Benoît : dans les dernières années, la connaissance qu’elle avait faite de madame de Chantal l’avait fort tentée d’entrer dans la Visitation. En s’ouvrant à l’évêque de Langres de ses pensées, elle trouva quelqu’un qui l’apaisa, qui la décida en conscience à renouveler tout haut ses vœux et sans aucune réserve mentale, ce qu’elle s’était permis de faire auparavant : tous les prétextes de sortie s’évanouirent. Mais ce service fut le seul qu’elle reçut de lui. La période de l’histoire de Port-Royal qui comprend l’intervalle de saint François de Sales à Saint-Cyran, et qu’on peut appeler la période de M. Zamet, faillit tout compromettre par les illusions où l’on s’engagea, et elle semble bien près de réaliser l’idéal du mauvais goût Louis XIII en dévotion : on croit assister à un commencement de décadence.

La translation à Paris multipliait les points de conflit entre l’archevêque et les moines de Cîteaux : le général, M. Boucherat, affectionné à Port-Royal, étant mort, son successeur, M. de Nivelle, fit menace de ramener le monastère dans les coutumes de l’Ordre et d’y interdire ce qu’il appelait singularités ; il entendait les austérités. La mère Angélique en prit occasion de faire solliciter à Rome un changement complet de juridiction. Port-Royal, en vertu d’un bref du pape Urbain VIII (juin 1627), passa sous l’ordinaire, c’est-à-dire sous la supériorité de l’archevêque (M. de Gondi). On échappa de la sorte à toute dépendance de Cîteaux, et à cette direction, d’une Communauté de filles par des moines, si fertile en inconvénients[1]. Ce fut, il est vrai, pour donner

  1. Dans un mémoire écrit pour M. Jérôme Bignon, qui avait à