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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/123

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grand’mère. Du reste, sauf ma chambre qui avait été jointe à un autre appartement, rien n’était changé dans la disposition des autres pièces : les ornemens dans le goût de l’empire, les plafonds, les portes, les lambris, je crois même le papier de l’antichambre, étaient les mêmes que de mon temps ; mais tout cela était noir, sale, enfumé, et puant le caporal au lieu des exquises senteurs de ma grand’mère. Je fus surtout frappée de la petitesse de la maison, de la cour, des jardins et des chambres, qui, jadis, me paraissaient si vastes, et qui étaient restés ainsi dans mes souvenirs. Mon cœur se serra de retrouver si laide, si triste et si sombre cette habitation toute pleine de mes souvenirs.

J’ai du moins encore une partie des meubles qui me retracent mon enfance et même le grand tapis qui nous amusait tant Pauline et moi. C’est un tapis Louis XV avec des ornemens qui, tous, avaient un nom et un sens pour nous. Tel rond était une île, telle partie du fond un bras de mer à traverser. Une certaine rosace à flammes pourpres était l’enfer, de certaines guirlandes étaient le paradis, et une grande bordure représentant des ananas était la forêt Hercynia. Que de voyages fantastiques, périlleux ou agréables nous avons faits sur ce vieux tapis avec nos petits pieds ! La vie des enfans est un miroir magique. Ceux qui ne sont pas initiés n’y voient que les objets réels. Les initiés y trouvent toutes les