Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

viennent, les étrangers, et que je trouve un sabre, fût-il deux fois grand comme moi, je saurai m’en servir, vous verrez, et tous ceux qui ne feront pas comme moi seront des lâches. »

On lui imposa silence, on l’emmena. Mais il avait fait au moins un prosélyte. Lui seul, cet enfant que je n’ai jamais revu et dont je n’ai jamais su le nom, m’avait formulé ma propre pensée. C’était tous des lâches ces gens qui criaient d’avance : Vivent les alliés ! Je ne me souciais plus tant de l’empereur, car au milieu du dévergondage de sots propos dont il était l’objet, de temps en temps, une personne intelligente, ma grand’mère, mon oncle de Beaumont, l’abbé d’Andrezel ou ma mère elle-même, prononçait un arrêt mérité, un reproche fondé sur la vanité qui l’avait perdu. Mais la France ! Ce mot-là était si grand à l’époque où j’étais née, qu’il faisait sur moi une impression plus profonde que si je fusse née sous la Restauration. On sentait l’honneur du pays dès l’enfance, pour peu qu’on ne fût pas né idiot.

Je rentrai donc fort triste et agitée, et mon rêve de la campagne de Russie me revint. Ce rêve m’absorbait et me rendait sourde aux déclamations qui fatiguaient mon oreille. C’était un rêve de combat et de meurtre. Je retrouvais mes ailes, j’avais une épée flamboyante, comme celle que j’avais vue à l’Opéra dans je ne sais plus quelle pièce, où l’ange exterminateur apparaissait