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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/154

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dans les nuages[1], et je fondais sur les bataillons ennemis, je les mettais en déroute, je les précipitais dans le Rhin. Cette vision me soulageait un peu.

Pourtant, malgré la joie qu’on se promettait de la chute du tyran, on avait peur de ces bons messieurs les Cosaques, et beaucoup de gens riches se sauvaient. Mme de Béranger était la plus effrayée ; ma grand’mère lui offrit de l’emmener à Nohant, elle accepta. Je la donnais de grand’cœur au diable, car cela empêchait ma bonne maman d’emmener ma mère. Elle n’eût pas voulu mettre en présence deux natures si incompatibles. J’étais outrée de cette préférence pour une étrangère. S’il y avait réellement du danger à rester à Paris, c’était ma mère, avant tout, qu’il fallait soustraire à ce danger, et je commençais à faire le projet d’entrer en révolte et de rester avec elle pour mourir avec elle s’il le fallait.

J’en parlai à ma mère, qui me calma. « Quand même ta bonne maman voudrait m’emmener, me dit-elle, moi je n’y consentirais pas. Je veux rester auprès de Caroline, et plus on parle de dangers à courir, plus c’est mon devoir et ma volonté ; mais tranquillise-toi, nous n’y sommes pas. Jamais l’empereur, jamais nos troupes ne

  1. Je crois que c’était la Mort d’Abel, de je ne sais qui.