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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/155

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laisseront approcher les ennemis de Paris. Ce sont des espérances de vieille comtesse. L’empereur battra les Cosaques à la frontière, et nous n’en verrons jamais un seul. Quand ils seront exterminés, la vieille Béranger reviendra pleurer ses Cosaques à Paris, et j’irai te voir à Nohant. »

La confiance de ma mère dissipa mes angoisses. Nous partîmes le 12 ou le 13 janvier. L’empereur n’avait pas encore quitté Paris. Tant qu’on le voyait là, on se croyait sûr de n’y jamais voir d’autres monarques, à moins que ce ne fût en visite et pour lui baiser les pieds.

Nous étions dans une grande calèche de voyage dont ma grand’mère avait fait l’acquisition, et madame de Béranger, avec sa femme de chambre et sa petite chienne nous suivait dans une grande berline à quatre chevaux. Notre équipage déjà si lourd était leste en comparaison du sien. Le voyage fut assez difficile. Il faisait un temps affreux. La route était couverte de fourgons, de munitions de campagne de toute espèce. Des colonnes de conscrits, de volontaires se croisaient, se mêlaient bruyamment et se séparaient aux cris de Vive l’empereur ! vive la France ! Madame de Béranger avait peur de ces rencontres fréquentes, au milieu desquelles nos voitures ne pouvaient avancer. Les volontaires criaient souvent : Vive la nation ! et elle se croyait en 93. Elle prétendait qu’ils avaient des figures patibulaires et qu’ils la regardaient avec insolence.