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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/240

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tout cela, car j’avais oublié toutes les règles que ma grand’mère m’avait enseignées si clairement et qu’il eût été bon de repasser sans cesse en les appliquant. Je les appliquais d’instinct et ne les savais plus. Quand je faisais quelque faute, M. Gayard me débitait des calembours et des coqs-à-l’âne en forme de critique. C’est ainsi que je travaillais, disait-il, la dernière fois qu’on me mit à la porte ; ou bien il avait des sentences en latin de collége :

Aspice Pierrot pendu, Quod fa dièse n’a pas rendu.

Et toute la leçon se passait ainsi, à moins qu’il ne préférât dormir auprès du poêle, ou se promener dans la chambre en mangeant des pruneaux ou des noisettes, car il mangeait toujours et ne se souciait guère d’autre chose.

On ne me parlait plus de chant, et pourtant c’était là mon instinct et ma vocation. Je trouvais un soulagement extrême à improviser en prose ou en vers blancs des récitatifs ou des fragmens de mélodie lyrique, et il me semblait que le chant eût été ma véritable manière d’exprimer mes sentimens et mes émotions. Quand j’étais seule au jardin, je chantais toutes mes actions pour ainsi dire : « Roule, roule, ma brouette : poussez, poussez, petits gazons que j’arrose ; papillons jolis, venez sur mes fleurs, etc. ; » et quand j’avais du chagrin, quand je pensais à ma petite mère absente, c’étaient des complaintes