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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/285

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ses grimaces. Pour apaiser ces mânes étranges, il leur portait des graines dans le clocher ; mais en y retournant le lendemain, il trouvait les plus bizarres caractères tracés par ces rats suspects avec les graines mêmes qu’il leur avait offertes. Un jour il trouvait tous les haricots blancs rangés en cercle avec une croix de haricots rouges au centre. Le jour suivant, c’était la combinaison contraire. Une autre fois, les blancs et les rouges, alternés systématiquement formaient plusieurs cercles enchaînés, ou des lettres inconnues, mais si bien dessinées, qu’on aurait juré l’ouvrage d’une personne humaine. Il n’est point d’animaux insignifians, il n’est point d’objets inanimés que le paysan ne fasse entrer dans son monde fantastique, et le christianisme du moyen âge, qui est encore le sien, est tout aussi fécond en personnifications mythologiques que les religions antérieures.

J’étais avide de tous ces récits, j’aurais passé la nuit à les entendre, mais ils me faisaient beaucoup de mal ; ils m’ôtaient le sommeil. Mon frère, plus âgé que moi de cinq ans, en avait été plus affecté encore, et son exemple me confirma dans la croyance où je suis que les races d’origine rustique ont la faculté de l’hallucination. Il tenait à cette race par sa mère, et il avait des visions, tandis que, malgré la fièvre de peur et les rêves sinistres de mon sommeil, je n’en avais pas. Vingt ans plus tard, il m’affirmait