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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/340

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entre Nohant et le cloître. En outre, la claustration, l’air de Paris, la continuité absolue d’un même régime, que je regarde comme funeste aux développemens successifs ou aux modifications continuelles de l’organisation humaine, me rendirent bientôt malade et languissante. En dépit de tout cela, je passai là trois ans sans regretter le passé, sans aspirer à l’avenir, et me rendant compte de mon bonheur dans le présent ; situation que comprendront tous ceux qui ont souffert et qui savent que la seule félicité humaine pour eux c’est l’absence de maux excessifs : situation exceptionnelle pourtant pour les enfans des riches, et que mes compagnes ne comprenaient pas, quand je leur disais que je ne désirais pas la fin de ma captivité.

Nous étions cloîtrées dans toute l’acception du mot. Nous ne sortions que deux fois par mois, et nous ne découchions qu’au jour de l’an. On avait des vacances, mais je n’en eus point, ma grand’mère disant qu’elle aimait mieux ne pas interrompre mes études, afin de pouvoir me laisser moins longtemps au couvent. Elle quitta Paris peu de semaines après notre séparation, et ne revint qu’au bout d’un an, après quoi elle repartit pour un an encore. Elle avait exigé de ma mère qu’elle ne demandât pas à me faire sortir. Mes cousins Villeneuve m’offrirent de me prendre chez eux les jours de sortie et écrivirent à ma bonne maman pour le lui demander.