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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/341

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J’écrivis, de mon côté, pour la prier de ne pas le permettre, et j’eus le courage de lui dire que, ne sortant pas avec ma mère, je ne voulais et ne devais sortir avec personne. Je tremblais qu’elle ne m’écoutât pas, et, quoique je sentisse bien un peu le besoin et le désir des sorties, j’étais décidée à me faire malade, si mes cousins venaient me chercher munis d’une permission. Cette fois, ma grand’mère m’approuva, et, au lieu de me faire des reproches, elle donna à mon sentiment des éloges que je trouvai même un peu exagérés. Je n’avais fait que mon devoir.

Si bien que je passai deux fois l’année entière derrière les grilles. Nous avions la messe dans notre chapelle, nous recevions les visites au parloir, nous y prenions nos leçons particulières, le professeur d’un côté des barreaux, nous de l’autre. Toutes les croisées du couvent qui donnaient sur la rue étaient non seulement grillées, mais garnies de châssis de toile. C’était bien réellement la prison, mais la prison avec un grand jardin et une nombreuse société. J’avoue que je ne m’aperçus pas un instant des rigueurs de la captivité, et que les précautions minutieuses qu’on prenait pour nous tenir sous clé et nous empêcher d’avoir seulement la vue du dehors me faisaient beaucoup rire. Ces précautions étaient le seul stimulant au désir de la liberté, car la rue des Fossés-Saint-Victor et la rue Clopin n’étaient tentantes ni pour la promenade ni