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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/496

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ce sentiment n’allume-t-il pas dans un cœur vierge ! Quiconque a passé par là, sait bien que nulle affection terrestre ne peut donner de pareilles satisfactions intellectuelles. Ce Jésus, tel que les mystiques l’ont interprété et refait à leur usage, est un ami, un frère, un père, dont la présence éternelle, la sollicitude infatigable, la tendresse, la mansuétude infinies, ne peuvent se comparer à rien de réel et de possible ; je n’aime pas que les religieuses en aient fait leur époux. Il y a là quelque chose qui doit servir d’aliment au mysticisme hystérique, la plus répugnante des formes que le mysticisme puisse prendre. Cet amour idéal pour le Christ n’est sans danger que dans l’âge où les passions humaines sont muettes. Plus tard, il prête aux aberrations du sentiment et aux chimères de l’imagination troublée. Nos religieuses anglaises n’étaient pas mystiques du tout, heureusement pour elles.

L’été se passa pour moi dans la plus complète béatitude. Je communiais tous les dimanches et quelquefois deux jours de suite. J’en suis revenue à trouver fabuleuse et inouïe l’idée matérialisée de manger la chair et de boire le sang d’un Dieu ; mais que m’importait alors ? Je n’y songeais pas, j’étais sous l’empire d’une fièvre qui ne raisonnait pas et je trouvais ma joie à ne pas raisonner. On me disait : « Dieu est en vous, il palpite dans votre cœur, il remplit tout votre être de sa divinité ; la grâce circule en vous avec le