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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/497

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sang de vos veines ! » Cette identification complète avec la Divinité se faisait sentir à moi comme un miracle. Je brûlais littéralement comme sainte Thérèse : je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je marchais sans m’apercevoir du mouvement de mon corps ; je me condamnais à des austérités qui étaient sans mérite, puisque je n’avais plus rien à immoler, à changer ou à détruire en moi. Je ne sentais pas la langueur du jeûne. Je portais au cou un chapelet de filigrane qui m’écorchait, en guise de cilice. Je sentais la fraîcheur des gouttes de mon sang, et au lieu d’une douleur c’était une sensation agréable. Enfin je vivais dans l’extase, mon corps était insensible, il n’existait plus. La pensée prenait un développement insolite et impossible. Était-ce même la pensée ? Non, les mystiques ne pensent pas. Ils rêvent sans cesse, ils contemplent, ils aspirent, ils brûlent, ils se consument comme des lampes, et ils ne sauraient se rendre compte de ce mode d’existence qui est tout spécial et ne peut se comparer à rien.

Je crains donc d’être peu intelligent pour ceux qui n’ont pas subi cette maladie sacrée, car je me rappelle l’état où j’ai vécu durant quelques mois sans pouvoir bien me le définir à moi-même.

J’étais devenue sage, obéissante et laborieuse, cela va sans dire. Il ne me fallut aucun effort pour cela. Du moment que le cœur était pris, rien ne me coûtait pour mettre mes actions d’accord