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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/502

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coucher. — Non ! non ! dit-elle en secouant sa tête courte et obstinée, je n’ai pas besoin d’aide, on peut toujours ce qu’on veut, et je veux mourir en travaillant. — Mais c’est un suicide, lui dis-je, et Dieu vous défend de chercher la mort, même par le travail. — Vous n’y entendez rien, reprit-elle. J’ai hâte de mourir, puisqu’il faut que je meure. Je suis condamnée par les médecins. Eh bien ! j’aime mieux être réunie à Dieu dans deux mois que dans six. »

Je n’osai pas lui demander si elle parlait ainsi par ferveur ou par désespoir, je lui demandai seulement si elle voulait consentir à ce que je l’aidasse à nettoyer l’église, puisque c’était l’heure de ma récréation. Elle y consentit en me disant : « Je n’en ai pas besoin, mais il ne faut pas empêcher une bonne âme de faire acte de charité. »

Hélène me montra comment il fallait s’y prendre pour cirer le parquet de l’arrière-chœur, pour épousseter et frotter à la serge les stalles des nonnes. Ce n’était pas bien difficile, et je fis un côté de l’hémicycle pendant qu’elle faisait l’autre ; mais, toute jeune et forte que j’étais, le travail me mit en nage, tandis qu’elle, endurcie à la fatigue, et déjà remise de son évanouissement, avec l’air d’une mourante et l’apparente lenteur d’une tortue, elle vint à bout de sa tâche plus vite et mieux que moi.

Le lendemain était un jour de fête ; il n’y en avait pas pour elle, puisque tous les jours