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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/612

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et j’allais trop vite aussi pour lui. Il me donna donc pour écuyer, ou plutôt pour page, le petit André, qui était solide comme un singe attaché à un poney ; et, me suppliant de ne point passer un jour sans promenade, il nous laissa courir les champs de compagnie.

Revenant toujours à Colette, à l’adresse et à l’esprit de laquelle rien ne pouvait être comparé, je pris donc l’habitude de faire tous les matins huit ou dix lieues en quatre heures, m’arrêtant quelquefois dans une ferme pour prendre une jatte de lait, marchant à l’aventure, explorant le pays au hasard, passant partout, même dans les endroits réputés impossibles, et me laissant aller à des rêveries sans fin, qu’André, très bien stylé par Deschartres, ne se permettait pas interrompre par la moindre réflexion. Il ne retrouvait son esprit naturel que lorsque je m’arrêtais pour manger, parce que j’exigeais qu’il s’assît alors, comme par le passé, à la même table que moi chez les paysans, et là, résumant les impressions de la promenade, il m’égayait de ses remarques naïves et de son parler berrichon. À peine remis en selle, il redevenait muet, consigne que je n’aurais pas songé à lui imposer, mais que je trouvais fort agréable, car cette rêverie au galop, ou cet oubli de toutes choses que le spectacle de la nature nous procure, pendant que le cheval au pas, abandonné à lui-même, s’arrête pour brouter les buissons sans