l’imaginais. Sans doute on lui eût donné le temps de vendre son domaine pour s’acquitter, et l’eût-il vendu à bas prix, il lui restait pour vivre la pension que lui avait assignée ma grand’mère par son testament[1]. Mais les idées de déshonneur et de prison pour dettes me bouleversaient l’esprit.
Ma mère insista comme le lui suggéra l’avoué. « Si M. Deschartres vous a versé dix-huit mille francs, c’est ce qu’on saura bien. Vous n’en donneriez pas votre parole d’honneur ? »
Je sentis un frisson, et je vis Deschartres prêt à tout confesser.
« Je la donnerais, m’écriai-je.
— Donne-la en ce cas, me dit ma tante, qui me croyait sincère et qui voulait voir finir ce débat.
— Non, mademoiselle, reprit l’avoué, ne la donnez pas.
— Je veux qu’elle la donne ! s’écria ma mère, à qui j’eus ensuite bien de la peine à pardonner de m’avoir infligé cette torture.
— Je la donne, lui répondis-je très émue, et Dieu est avec moi contre vous dans cette affaire-ci !
— Elle a menti, elle ment ! cria ma mère.
- ↑ Elle avait été de quinze cents francs dans le premier brouillon du testament. Il l’avait fait réduire à mille francs, avec beaucoup d’instance et même d’emportement.