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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/776

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ravaux d’aiguille, ses rires, ses désespoirs et ses emportemens.

Quand elle était de bonne humeur, elle était vraiment charmante, et il était impossible de ne pas se laisser aller à sa gaîté pleine de verve et de saillies pittoresques. Malheureusement cela ne durait jamais une journée entière, et la foudre tombait sur vous, on ne savait de quel coin du ciel.

Elle m’aimait cependant, ou du moins elle aimait en moi le souvenir de mon père et celui de mon enfance ; mais elle haïssait aussi en moi le souvenir de ma grand’mère et de Deschartres. Elle avait couvé trop de ressentimens et dévoré trop d’humiliations intérieures pour n’avoir pas besoin d’une éruption de volcan longue, terrible, complète. La réalité ne lui suffisait pas pour accuser et maudire. Il fallait que l’imagination se mît de la partie. Si elle digérait mal, elle se croyait empoisonnée et n’était pas loin de m’en accuser.

Un jour, ou plutôt une nuit, je crus que toute amertume devait être effacée entre nous et que nous allions nous entendre et nous aimer sans souffrance.

Elle avait été dans le jour d’une violence extrême, et comme de coutume, elle était bonne et pleine de raison dans son apaisement. Elle se coucha et me dit de rester près de son lit jusqu’à ce qu’elle dormît, parce qu’elle se sentait triste.