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et plus que jamais ainsi, moi aussi : je n’ai jamais aimé personne et je ne t’ai jamais aimé de la sorte.

Mais je t’aime aussi avec toute mon âme et toi, tu n’as pas même d’amitié pour moi. Je t’ai écrit ce soir. Tu n’as pas répondu à mon billet. On a dit que tu étais sorti ; et tu n’es pas venu seulement passer cinq minutes avec moi ? Tu es donc rentré bien tard, et où étais-tu, mon Dieu ? Hélas, c’est bien fini ; tu ne m’aimes plus du tout. Je te deviendrais abjecte et odieuse, si je restais ici. D’ailleurs tu désires que je parte. Tu m’as dit, l’autre nuit, d’un air incrédule ; « Bah ! tu ne partiras pas ! » Ah, tu es donc bien pressé ! Sois tranquille, je pars dans quatre jours, et nous ne nous reverrons plus. Pardonne-moi de t’avoir fait souffrir, et sois bien vengé ; personne au monde n’est plus malheureux que moi !


Paris, mardi soir (25 novembre 1834).

J’ai été aux italiens, et j’ai fait connaissance avec le bonhomme Delécluze. Première représentation d’Ernani, stupide, embêtant[1]. Buloz dort

  1. Ernani, opéra italien, paroles de Rossi, musique de Vincenzo Gabussi. Delécluze a raconté sa rencontre avec G. Sand dans ses Souvenirs de soixante ans, p. 472 (Michel Lévy, 1862)