Page:Sand - Journal intime.pdf/18

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aux Italiens comme dans son lit. On marche sur sa redingote, sur son chapeau, sur ses pieds. Il se réveille pour dire : « Sacré nom de Dieu » et il se rendort. Moi, puuvre garçon, on me regarde et puis on dit : « C’est George Sand ? — Voyons ? Voyons ? Où donc ? Ah ! » J’entendis une vieille femme qui disait : « Mais comme elle a un joli petit air décent avec ça ! » Un profond diplomate (à en juger par son gilet) m’a lorgnée et a dit : « C’est qu’elle est ma foi jolie ! » Eh bien, c’est possible, hélas ! Mais pourquoi ? À présent il n’y a plus personne qui me fasse plaisir en me le disant. Il y a huit jours cela me charmait.

Ce matin, j’ai posé chez (De) Lacroix. J’ai causé avec lui en fumant des cigarettes de paille délicieuses. Il m’en a donné. Si je pouvais te les envoyer, cher petit, cela t’amuserait un instant. Mais je n’ose pas. De Lacroix m’a montré le recueil de Goya. Il m’a parlé d’Alfred à propos de cela, et m’a dit qu’il aurait fait un grand peintre, s’il eût voulu. Je le crois bien. Il veut copier, lui, de Lacroix, les petits croquis de l’album d’Alfred. Moi, je vais m’amuser, m’amuser ? m’appliquer à copier servilement quelques-unes de ces jolies femmes de Goya. Je les enverrai à mon pauvre ange, quand je partirai. Il ne les refusera peut-être pas. Je sais qu’il aime ces femmes-là. Si je pouvais prendre la figure d’une de ces petites images, et aller le trouver la nuit ! Il ne reconnaîtrait pas