Page:Sand - Journal intime.pdf/20

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cutons pas ; dis-moi quelques douces paroles, caresse-moi puisque tu me trouves encore jolie malgré mes cheveux coupés, malgré les deux grandes rides qui se sont formées depuis l’autre jour sur mes joues. Eh bien, quand tu sentiras ta sensibilité se lasser, et ton irritation revenir, renvoie-moi, maltraite-moi, mais que ce ne soit jamais avec cet affreux mot : dernière fois ! Je souffrirai tant que tu voudras, mais laisse-moi quelquefois, ne fût-ce qu’une fois par semaine, venir chercher une larme, un baiser qui me fasse vivre et me donne du courage. Mais tu ne peux pas. Ah ! que tu es las de moi, et que tu t’es vite guéri, aussi, toi. Hélas, mon Dieu, j’ai de plus grands torts certainement que tu n’en as eu a Venise, quand je me consolai. Mais tu ne m’aimais pas et la raison égoïste et méchante me disait : « Tu fais bien. » À présent, je suis bien coupable à tes yeux ; mais je le suis dans le passé ; le présent est beau et bon encore. Je t’aime, je me soumettrais à tous les supplices pour être aimée de toi, et tu me quittes ! Ah. pauvre homme, vous êtes fou… C’est votre orgueil qui vous conseille, vous devez en avoir. Le vôtre est beau parce que votre âme est belle. Mais votre raison devrait le faire taire et vous dire : « Aime cette pauvre femme, tu es bien sûr de ne pas trop l’aimer à présent. Que crains-tu ? Elle ne sera pas exigeante, l’infortunée. Celui des deux qui aime le moins est celui qui