Page:Sand - Journal intime.pdf/21

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souffre le moins. C’est le moment de l’aimer ou jamais. » Ah ! il a tort : n‘est-ce pas, mon Dieu, il a tort de me quitter à présent que mon âme est purifiée et que, pour la première fois, une volonté sévère s‘est arrêtée en moi. Est-ce une volonté ? Je ne sais pas. C’est mieux, car que sais-je de tous leurs raisonnements humains et de leurs principes sociaux ! Je sens, voilà tout. Je l’aime. Cet amour pourrait me conduire au bout du monde. Mais personne n’en veut et la flamme s’éteindra comme un holocauste inutile. Personne n’en veut !… Ah ! mois on ne peut pas aimer deux hommes à la fois. Cela m’est arrivé. Quelque chose qui m’est arrivé ne m‘arrivera plus. Ah ! insensé ! Quand tu dis elle le fera demain parce qu’elle l’a fait hier ! C’est, le contraire qu’il faudrait dire. Est-ce que je suis stupide ou insensible ? Est-ce que je ne souffre pas des folies ou des fautes que je fais ? Est-ce que les leçons ne profitent pas aux femmes comme moi ? Est-ce que je n’ai pas trente ans, est-ce que je ne suis pas dans toute ma force ? Oui, Dieu du Ciel, je le sens bien. Je peux encore faire la joie et l’orgueil d‘un homme, si cet homme veut franchement m’aider ! J’ai besoin d’un bras solide pour me soutenir, d’un cœur sans vanité pour m’accueillir et me conserver. Si j’avais trouvé cet homme-là, je ne serais pas où j’en suis. Mais ces hommes-là sont des chênes noueux dont l’écorce repousse. Et toi, poète, belle fleur, j’ai voulu