Page:Sand - Journal intime.pdf/27

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du monde, je serais déjà partie. Ne suis-je pas sûre de votre honneur ?

On dirait que j’ai fait un coup de tête et vous. Alfred, je sais bien que vous m’épargneriez. Cela serait moins humiliant sans doute que de faire dire à toutes ces belles dames que je me déguise en homme pour aller vous trouver la nuit ; et que je me traîne à genoux dans votre chambre. Mais, ô mon Dieu, qui donc leur dit cela si vite ? Ce n’est pas toi qui me railles devant elles ?… Non, le propos chez Delphine Gay ; mais ce mépris, un rire moqueur ! Toutes ces femmes qui disaient du mal de moi, et lui qui répondait : « Vous ne vous trompez peut-être guère ! » et tu m’écrivais en Italie : « Chantez, mes braves coqs ; vous ne me ferez pas renier Jésus ! » Oh, ces lettres que je n’ai plus, que j’ai tant baisées, tant arrosées de larmes, tant collées sur mon cœur quand l’autre ne me voyait pas ! oh, je les aimais tant, je ne les ai plus.

Il y en avait une où il me disait : « Je me rappelle bien la nuit de la lecture ; mais quand même tu m’aurais menti d’un bout jusqu’à l’autre, tu ne m’as pas trompé, tu ne m’as pas dit que tu m’aimais », et puis il y avait une distinction sur les femmes qui trompent et sur celles qui mentent. Mais depuis, il a trouvé à cela une explication qui le décharge de tonte indulgence envers moi. C’est parce qu’il aurait dit à l’autre : « Elle s’est redonnée à moi ! » Ah, Seigneur mon Dieu,