Page:Sand - Journal intime.pdf/28

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vous savez si j’avais pensé à cela ! Vous savez si j’ai jamais fait cela de ma vie ! Vous savez si j’avais fait d’autres mensonges ! Aussi, pourquoi m’avez-vous jetée dans une position horrible, où il fallait mentir ou tuer ? Et pourquoi ne m’avez-vous pas préservée du danger, quand ma raison, ma conscience et ma vie m’abandonnaient. Vous savez bien ce que nous sommes, pourquoi nous laissez-vous nous perdre et nous suicider ? Il n’y u que vous qui puissiez m’absoudre sur bien des points, car l’interprétation humaine trouve tout ce qu’elle veut et, vous seul, vous savez ce qui est, que vous ! Il n’y a que vous qui puissiez me consoler et me relever ! ah, tuez-moi donc vite, maître cruel ! N’ai-je pas assez expié ? Ne voilà-t-il pas assez de semaines de terreur et de frisson, de mensonges qui passaient sur mes lèvres, comme un fer rouge et des prières insensées pendant que mes dents claquaient de froid dans les églises ? Et ce soir, à Saint-Sulpice, quand je vous ai crié : « M’abandonnerez-vous ? Me punirez-vous à ce point ? N’y a-t-il pas autre chose qui puisse vous désarmer ? » il y avait une voix au fond de mon cœur qui répondait : « Confesse, confesse et meurs. » Hélas, j’ai confessé le lendemain, mais il était trop tard, et je n’ai pu mourir, car on ne meurt pas, on vit ; on souffre tout cela, on boit son calice goutte à goutte, ou se nourrit de fiel et de larmes, et, le matin, on s’assoupit avec des rêves affreux !