Page:Sand - Journal intime.pdf/36

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tous ceux qui tuent le corps, cercueil où j’ai enseveli tout espoir ? À toi, Christ sourd et muet ? J’aurai beau dire, beau pleurer et me plaindre, il n’y a que vous qui me pardonnerez. Mon Dieu ! Que votre miséricorde commence donc par donner l’oubli et le repos à ce cœur dévoré de chagrin, car tant que je souffre, tant que j’aime ainsi, je vois bien que vous êtes en colère.

Ah, rendez-moi mon amant, et je serai dévote et mes genoux useront les pavés des églises !


MERCREDI MATIN

Qu’est-ce que Buloz me disait donc hier de M. Liszt ? Est-ce qu’Alfred lui en aurait parlé ? Est-ce qu’il a pensé sérieusement un instant que j’allais aimer M. Liszt ? Est-ce qu’il le penserait encore ? Ah ! mon cher bien, si tu pouvais être jaloux de moi, avec quel plaisir je renverrais tous ces gens-là ! Mais vous n’êtes pas jaloux de moi. Vous avez fait semblant de croire une chose que vous n’avez pas crue, pour vous débarrasser de moi plus vite, et cela est mal, et si j’avais pu aimer M. Liszt, de colère je l’aurais aimé. Mais je ne pouvais pas. Faites des raisonnements là-dessus, M. Tattet. Je serais bien fâchée d’aimer les épinards, car si je les aimais, j’en mangerais, et je ne les peux souffrir. À Nohant, l’autre jour, étant