Page:Sand - Journal intime.pdf/92

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t’appelle et tu regardes la fenêtre avec inquiétude. Tu aimes, puisque tu regrettes, puisque tu désires, et pourtant tu te soumets et ta faiblesse intelligente se réfugie dans ma bonté, accepte mes soins et sait les solliciter par un air de confiance et d’abandon qui désarmerait le cœur le plus dur. Tu n’es pas belle, pourtant, ta robe cendrée n’a ni éclat ni vanité, tes plumes inégales, les pennes de ta queue encore roulées dans leur étui de pellicule, ton duvet hérissé, te donnent une si pauvre apparence que le premier mouvement que tu inspires est une chiquenaude.

Mais la nature a voulu départir l‘intelligence à ceux-ci, la bonté à ceux-là. Tandis que mon vanneau promène sans but et sans volonté d’un air stupide sa robe d’émeraudes, et son aigrette élégante, toi, avorton, quasi sans forme et sans couleurs, tu interprètes mes moindres mouvements et tu sais donner à ton extérieur toute l’expression nécessaire pour que je devine tes moindres désirs.

N’est-ce pas une chose sainte, une loi de nature, que cet amour de la faiblesse pour la force, mais surtout, que cet amour de la force pour la faiblesse ? C’est ainsi que la femelle de l’homme chérit ses petits, c’est ainsi que l’homme devrait chérir sa femelle. Mais il a imaginé de consacrer par des lois de servitude l’inévitable dépendance de la femme, et alors, adieu la douceur et la liberté de