Page:Sand - Journal intime.pdf/93

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l’amour. Quelle femme réclamerait la vie de l’esprit, si on lui accordait celle du cœur ? Il est si doux d’être aimé ! mais on les maltraite, on leur reproche l’idiotisme où on les laisse, on méprise leur ignorance, on raille leur savoir. En amour, on les traite comme des courtisanes, en amitié conjugale, comme des servantes. On ne les aime pas, on s’en sert, on les exploite, et on espère les assujettir à la loi de fidélité ? Si je te maltraitais, ma fauvette, tu serais bientôt sur le plus haut des arbres du jardin, car dans les huit jours tu auras de longues ailes et l’amour seul te retiendra près de moi.


20 juin.

Voici le Docteur amoureux pour tout de bon. Il était bien temps ! le voila pris. Il n’a pas pu écrire trois lignes aujourd’hui ; l’objet de son amour n’a fait que gambader sur sa plume, sautiller sur son papier et faire quelque chose de pire sur son nez auguste.

Il s’est bien levé de son lit sept fois ce matin pour lui attraper des mouches et les lui faire avaler. Enfin, il est stupide comme un vieillard amoureux. Pauvre Piffoël, où diable as-tu été placer tes affections ? Ton idole ne pèse pas un septième d’once, elle a huit jours, il ne faut qu’une antenne d’insecte un peu trop forte pour lui