Page:Sand - Malgretout.djvu/53

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— Voilà l’eau qui chante ! elle chante la Demoiselle. Il faut ouvrir la fenêtre, je veux encore danser.

On ouvrit, et nous ne vîmes rien sur la Meuse ni sur le rivage ; mais nous entendîmes le violon qui redisait ma chanson, mêlée à une improvisation vraiment admirable, tantôt semée de difficultés inouïes surmontées par une main prodigieusement habile, tantôt noyée dans de suaves mélodies qui variaient et reprenaient le thème sous l’inspiration la plus touchante et la plus élevée.

— Mes enfants, s’écria mon père, il y a ici un incomparable artiste ; il faut le découvrir et lui offrir l’hospitalité. Qui sait, puisqu’il a accepté l’aumône, dans quelle détresse il se trouve ?

Comme il parlait encore et que le chant avait cessé, nous vîmes glisser sur le tournant de la Meuse, aux premières ombres du soir, un batelet où nous eûmes quelque peine à distinguer deux personnes, le batelier et le voyageur ; mais, le batelier ayant élevé la voix, mon père reconnut aussitôt un des passeurs de Laifour, et il cria à Giron, qui était sur la pelouse, de héler cet homme. Il descendit lui-même au rivage pour examiner et interroger l’artiste. Nous les vîmes se saluer, lier conversation, revenir ensemble et entrer dans la maison. Le passeur remontait la rivière et s’éloignait.

— Vraiment, me dit Adda, mon père est encore plus enfant que toi, ma chère sœur ! Le voilà qui