Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tion continuelle et dévorante d’un idéal de société, idéal qui ne satisfait en rien et qu’irrite amèrement au contraire l’œuvre égoïste et puérile de ses législateurs privilégiés, de ses prétendus représentants. Cette aspiration, c’est la méditation qui commence, c’est la révélation qui s’approche. Oui, le Christ va naître, oui, Jésus va tenir ses promesses, et revenir parmi nous ; et ces poètes prolétaires, qui ne font que surgir, vont bientôt nous le prophétiser, comme Jean-Baptiste et d’autres, avant lui, avaient annoncé la venue du Sauveur. Ce Sauveur s’incarnera-t-il dans un homme ou dans plusieurs, ou dans tous spontanément ? S’appellera-t-il encore le Messie, ou s’appellera-t-il million, comme s’exprime le poëte Mickiewicz ? Peu importe ! ce n’est pas une question à résoudre aujourd’hui ; mais il est évident que l’esprit du peuple enfantera une grande religion sociale, laquelle ne peut pas sortir directement des classes qui ne souffrent pas, qui n’aspirent pas, qui ne réclament pas avec la même énergie.

Ce n’est pas à dire que ces classes opprimantes, malheureuses aussi par l’inégalité et les monstruosités qui on résultent, ne cherchent pas la pensée du salut, et n’aideront pas, dans un temps donné, à la réaliser. Mais maintenant elles ne sont pas sur la voie ; elles ne cherchent pas avec assez d’ardeur, elles n’ont point la lumière, elles ne peuvent pas l’avoir : elles ne souffrent pas assez pour cela. Elles ont des motifs personnels erronés de craindre d’une révolution plus de maux quelles n’en connaissent. Elles iront donc ainsi dans les ténèbres, cherchant mal, ne trouvant pas, recevant tout au plus, et peut être à contre-cœur, la lumière du peuple, en acquiesçant pacifiquement,