Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/179

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j’aime à le croire, mais sans enthousiasme et sans joie, aux nécessités de l’avenir. Telles sont les probabilités que déroule à nos yeux la logique des causes, et il n’est pas besoin de se faire de grandes illusions pour les apprécier et les signaler.

Et cependant, nous dit-on, il y a plus de talent et de savoir dans la bourgeoisie que dans le peuple. Elle est encore dépositaire des trésors de la science politique ; l’intelligence est chez elle à l’état de développement illimité, tandis que dans le peuple elle est encore enveloppée des langes de l’enfance. Que cette ignorance des classes pauvres soit ou non le résultat des lois d’inégalité et des systèmes personnels des gouvernements, il faut bien la reconnaître, nous crie-t-on, il faut bien en tenir compte ; longtemps encore, ce sont les propres expressions de la presse conservatrice, la classe bourgeoise est destinée à initier au progrès les classes inférieures !

Telle est la prétention de la bourgeoisie régnante ; tel est, au reste, le langage d’une portion de la bourgeoisie démocratique, du parti qu’on appelle l’opposition. Et dans la bouche de ces derniers, le doute est sincère ; il n’est point dicté, j’aime à le croire, par l’ambition hypocrite de régner un jour à la place de la bourgeoisie monarchique ; il est inspiré par une impatience généreuse de l’avenir, par une douleur vraie des maux présents. Certains hommes du peuple, parmi les meilleurs et les plus intelligents, partagent aussi cette erreur, à la vue des préjugés et des vices qui règnent encore parmi leurs frères. Ils pleurent sur les égarements que le malheur produit, sur la dégradation attachée forcément à la misère. Ils ne peuvent encore toucher du doigt des progrès assez