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LETTRE DE BALZAC


meilleur que la santé : je parle de la santé stupide et matérielle ; car vous savez ce que les Arabes disent de la joie, que c’est la fleur et l’esprit de la santé vive et remuante. Puisque vous voulez savoir les différentes pensées que j’ai eues de ce malade, et que vous m’en demandez un chapitre, je dis, Monsieur, que c’est l’homme du monde le plus dissimulé, ou le plus constant. Je dis qu’il porte témoignage contre la mollesse du genre-humain, ou que la douleur le traite plus doucement qu’elle ne traite les autres hommes. Je dis qu’il y a de l'apparence que le bourreau flate le patient. Je dis qu’à le voir rire comme il fait, au milieu du mal, j’ai quelque opinion que le mal ne le pique pas, mais que seulement il le chatouille. Je dis enfin, que le Prométhée, l’Hercule, et le Philoctète des fables, sans parler du Job de la vérité, disent bien de grandes choses dans la violence de leurs tourmens, mais qu’ils n’en disent point de plaisantes ; que j'ai bien vu en plusieurs lieux de l’antiquité des douleurs constantes, des douleurs modestes, voir des douleurs sages, et des douleurs éloquentes ; mais que je n'en ai point vu de si joyeuses que celle-ci ; mais qu’il ne s’étoit point encore trouvé d’esprit qui sût