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essai sur le libre arbitre

2° L’illusion naturelle, dont nous avons dévoilé l’origine, et par l’effet de laquelle le témoignage de la conscience « je peux faire ce que je veux » est considéré comme l’affirmation du libre arbitre, et le volontaire confondu avec le libre (V. De lib. arb. 1, 12) : « Car qu’y-a-t-il de plus au pouvoir de la volonté que la volonté elle-même ? »

3° La nécessité de mettre en harmonie la responsabilité morale de l’homme avec la justice de Dieu. En effet, la pénétration d’esprit de St.-Augustin n’a pas laissée inaperçue une très-haute question, si difficile à résoudre que tous les philosophes postérieurs, à ce que je sache, trois seulement exceptés (que nous allons pour cela même considérer tout à l’heure de plus près), ont préféré tourner autour d’elle sans bruit, comme si elle n’existait pas. St.-Augustin, au contraire, avec une noble franchise, l’énonce sans détour dès les premiers mots de son livre de libero arbitrio : « Dis-moi ; je te prie. Dieu n’est-il pas l’auteur du mal ? » Et bientôt, d’une façon plus explicite dans le second chapitre : « Puisque nous croyons que Dieu est le principe de tous les êtres, et que néanmoins il n’est pas l’auteur du péché, notre esprit a quelque peine à comprendre comment il se peut faire que les péchés étant commis par les âmes, et ces âmes étant créées par Dieu, ces péchés ne lui soient pas immédiatement rapportés comme à leur principe. »