Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/32

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dans une muette et béate contemplation. Je comprends cette vie-là. C’est en grand, mais en très grand, le plaisir du badaud qui, du haut du pont des Arts, regarde l’eau couler ».

Ils débarquèrent à Cherbourg « comme deux ours dans une cage de serins ». Voyageant à pied, ils s’aperçurent « que la marche forcée est un mauvais digestif, que lorsqu’ils déjeunaient bien, ils dînaient assez mal ».

À Auray, leurs pantalons se déchirèrent ; leur cravates étaient « sales à faire peur » ; ils n’avaient plus ni chapeaux ni souliers. Notre Maître, qui a toujours eu l’âme tendre, s’apitoyait sur ses souliers. « Pauvres souliers ! ils n’avaient plus à eux deux qu’une semelle entière… Il est vrai que j’ai un cuir naturel qui s’est durci depuis le commencement du voyage. »

Et il ajoute, avec la grande pudeur qu’il observa toujours : « Je ne parle que de l’extérieur, mais si l’on pouvait pénétrer nos misères intimes ce serait bien pis. Depuis Fécamp nous courons après un bain d’eau chaude, car, pour les bains de mer, ils ne nous ont pas manqué… Par malheur l’eau de mer salit plus qu’elle ne lave, et il ferait bon, après un