Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/59

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le Roy d’Assirie regarda Artamene, avec un desespoir que l’on ne sçauroit exprimer. Ce fut alors que l’égalité de leur malheur, suspendit tous leurs autres sentimens ; & qu’ils esprouverent tout ce que l’amour peut faire esprouver de douloureux & de sensible. Ils voyoient que si le vent continuoit de souffler du costé qu’il estoit, cette Galere se viendroit infailliblement briser contre le pied de la Tour où ils estoient ; si bien que faisant des vœux tous contraires à ceux qu’ils avoient faits un peu auparavant ; ils desiroient que le vent secondast les vœux du ravisseur, & qu’il l’esloignast de la terre. Cependant la tempeste se redoubla : & selon le caprice, & l’inconstrance de la Mer, le vent ayant par des tourbillons qui s’entre-choquoient, esté quelque temps en balance ; comme s’il n’eust pû determiner de quel costé il devoit se ranger ; tout d’un coup il esloigna la Galere de la Ville : & luy fit raser la Côste avec tant de vistesse, que ces deux Rivaux la perdirent de veuë en un instant : & perdirent avec elle, tout ce qui leur restoit d’esperance, voyant tousjours durer l’orage aussi fort qu’auparavant. Que ne dirent point apres cela, ces deux illustres malheureux ; dans la crainte qu’ils avoient, voyant continuer la tempeste, que leur Princesse ne fist naufrage ? Ils eussent bien voulu pouvoir separer Mazare de Mandane ; & ne luy donner point de part aux vœux qu’ils faisoient pour elle : mais apres tout, ils consentoient au salut du Rival, plus tost que de se consentir à la perte de la Maistresse. Ils se la souhaiterent mesme plus d’une fois l’un a l’autre, plustost que de la sçavoir exposée au danger où elle estoit : & plus d’une fois aussi, ils se repentirent de leurs propres souhaits. Cependant cét objet qui avoit comme suspendu toutes