Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/26

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eu ce que j’ai eu, je ne conçois pas comment il a pu supporter la traversée d’Amérique et comment il a eu le courage d’en revenir[1]. Adieu, enfant chérie, soigne-toi un peu et porte-toi très bien.


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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Londres, 30 octobre 1856.


Chère Minette, un mot en courant ; je n’ai plus mal au cœur depuis hier seulement et je vais très bien depuis que je suis débarrassée de cet affreux reliquat de cette affreuse mer. Nathalie ne dort toujours pas, et, de plus, elle souffre depuis deux jours de l’estomac. Hier surtout, elle a passé la soirée sans pouvoir parler.

Nous avions fait dans l’après-midi une terrible excursion, commencée à pied par un brouillard déjà fort épais, finie en voiture par ce même brouillard si intense que le cocher ne voyait plus à conduire ; que des trottoirs on ne voyait plus les maisons ; que dans les quartiers populeux on entendait des cris perçans partant de tous côtés, de gens écrasés, menacés, volés, de pick-pockets arrêtés et légèrement secoués ; nous étions dans Oxford street, qui est loin de Chesham street comme la place de la Madeleine de la barrière du Trône. Ce Londres est immense

  1. Mon mari, malgré un violent mal de mer, avait dû aller deux fois en Amérique, à cause des affaires de son père, auxquelles lui et ses frères étaient associés.