Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/111

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le remplaçons par une situation plus mauvaise que des chagrins peu durables, par l’impatience ou le découragement, par une constante lassitude.

Le juste équilibre des forces, la santé est le premier des biens dans l’ordre visible, et la source la plus générale du bonheur. Sans doute l’absence du mal n’étant pas une jouissance positive, le bien-être qui résulte de l’exacte souplesse des ressorts de la vie ne saurait laisser des souvenirs très-distincts ; mais souvent il est plus salutaire, et même plus doux que des voluptés moins intimes, ou moins prolongées (I).

La santé parfaite ne sera jamais rendue à ceux qui auront abusé de leurs forces, et elle subsiste rarement chez ceux même qui parurent vivre avec retenue. Cette heureuse situation des organes, cette tranquille activité qu’il sera presque impossible de conserver dans la dépendance, influerait puissamment sur notre humeur, sur nos craintes, sur notre courage. Troublée ou maintenue, et quelquefois renouvelée, cette aptitude si précieuse procure alternativement des heures favorables, des heures calmes et fécondes, ou bien des jours d’ennui pendant lesquels tout fatigue et tout inquiète. Elle peut déterminer en partie nos attachemens ou nos haines, notre indolence ou notre énergie, nos sentimens, nos pensées, tout