Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/115

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tion au milieu des orages ! Mais comment rester ignoré ? La vanité des autres hommes nous fait oublier de plus justes besoins, et un faste incommode remplace à notre insu les convenances premières, ou la véritable dignité. Par une résolution plus noble, éloignons de nous ces faux biens que nous ne serions pas même sûrs d’obtenir. Aspirons à quelque chose de plus grand ; laissons à l’homme turbulent et faible ses prétentions trompeuses.

Dans le cours incertain de la vie, au lieu de préparer de loin beaucoup de choses, hommes libres, vous choisirez entre celles qui se présenteront. Après avoir rejeté ce qui serait mauvais, vous vous attacherez modérément à ce qui vous restera, et vous apprendrez même a jouir de ce que vous n’eussiez pas désiré. Mais à quoi peut-on parvenir dans une société inquiète, quand on n’y cherche rien avec beaucoup d’ardeur, et qu’on se refuse à ce qui serait certainement défectueux ? Si on doit rester étranger à tous les mouvemens concertés par les passions, ne serait-il pas meilleur de ne jamais se montrer au milieu de ce qu’on n’ambitionne pas ? Plusieurs fois des hommes que de nobles desseins auraient pu seuls occuper sérieusement ont préféré à la vie ordinaire la retraite et l’oubli.

Si quelque grandeur pouvait nous être donnée