Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/117

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préférez la raison, qui, sans exclure toujours l’audace, est généralement accompagnée de retenue. Sachez même, dans la solitude, vous borner sans trop d’impatience aux plus simples reflets de la beauté inaccessible. Tandis que d’autres hommes ont besoin d’un spectacle nouveau pour être ramenés a la nature, que bientôt encore ils cessent d’écouter, ses dons les plus ordinaires et ses merveilles les plus connues suffisent au sage. Des vœux imprudens annonceraient moins de vigueur dans l’imagination que de faiblesse dans la pensée : quand on se vante d’être subjugué par des passions fortes, par des désirs impétueux, on est près de la folie ou près du malheur.

Cherchons un refuge dans des occupations suivies, et rendons-les nécessaires. Si les circonstances ne nous prescrivent aucun travail semblable, il faut y suppléer par une résolution qui nous assujétisse nous-mêmes. C’est une loi qu’on fera bien de n’enfreindre presque jamais ; les premières exceptions en pourraient entraîner beaucoup d’autres, et plusieurs convenances accidentelles paraîtraient justifier les conseils de la paresse. Au milieu de ces plausibles motifs d’interrompre notre dessein, perdant de vue l’utilité de l’ensemble, et ne regardant que celle du changement présent, nous tomberions dans le désordre, sous prétexte de ne dépendre que de nos ré-