Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/118

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flexions, ou de consacrer chaque heure à ce qu’elle demanderait de nous. Cette liberté trop séduisante, trop irrésolue, deviendrait funeste, et le soin continuel d’apprécier les raisons d’agir nous ferait examiner enfin, dans nos tristes dégoûts, s’il est pour tous les hommes une assez forte raison de vivre.

Si la sensation la plus récente paraît effacer ordinairement en nous la trace des anciennes impressions, nous trouvons de l’accord entre nos dispositions et les choses qui surviennent, ou, pour ainsi dire, entre nous et nous-mêmes. Si, au contraire, les organes de la pensée obéissaient à d’indociles habitudes, à des inclinations opiniâtres, ils resteraient actifs indépendamment des autres facultés. Au milieu d’un repos apparent, on éprouverait une secrète agitation : de ce contraste naîtrait l’ennui. On n’y sera pas exposé quand le mouvement du corps entraînera la pensée, ou quand elle s’arrêtera aussitôt que les bras ; mais si le travail de la tête continue lorsque nous ne pouvons agir, nous trouvons importune, et quelquefois très-pénible, cette sorte de résistance extérieure.

L’ennui ne provient pas généralement de l’uniformité. Que de gens ont passé des jours uniformes, dans d’obscurs travaux, et n’ont pas connu l’ennui ! La source principale n’en est pas non plus dans la