Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/367

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quelques Africains, est placé vis-à-vis la grande zone de sable. Mais pourquoi des sables auprès du tropique ? Pourquoi, dans la Tartarie, ces couches de sel qui contribuent aux froids de quarante et de soixante degrés dont jouissent les plaines septentrionales de l’Asie ? Que ne dirait-on pas si la terre conservait une chaleur centrale beaucoup plus forte vers les pôles que sous l’équateur ?

Les Nieuwentyt, les Bentley veulent-ils prouver que le monde est disposé avec intelligence ? Quel homme en douta jamais, à moins qu’il ne fût possédé de la manie des systèmes ? Beaucoup de choses sont bien sans doute ; mais on demande pourquoi toutes ne sont pas bien. Le mal particulier existe, selon nos lumières, et nous ne pouvons raisonner que d’après ces lumières. Que nous apercevions quelques maux, ou des maux innombrables, cela ne change pas le fond de la question.

Après avoir lu vingt volumes de Nieuwentyt ou de Bernardin, et les avoir lus avec plaisir s’ils étaient écrits à la manière de ce dernier, on demanderait encore pourquoi tout ne paraît pas bon dans l’œuvre de celui qui est souverainement magnanime, et souverainement puissant. Une sorte de réponse ne semble pas au-dessus de nos forces ; mais enfin la difficulté subsiste, bien que la trace de l’intelligence surpasse toutes nos supputations, et que cette industrie soit aussi frappante ou aussi certaine, dans la végétation d’une mousse que dans le cours des astres.

C’est assez que les choses soient. Puisqu’elles existent elles sont surprenantes, elles sont admirables. Il est impossible d’entrevoir l’étendue ou l’ordonnance du monde sans en être accablé, puisqu’il est impossible qu’il se perpétue sans un ordre assez grand pour déconcerter notre