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de maturité qui a fait choisir ce temps pour l’émancipation légale. On a prétendu que vers vingt-huit ans un grand changement s’opérait dans la manière de considérer les choses humaines. À trente-cinq ans, a-t-on ajouté, la jeunesse finit, à quarante-deux les espérances s’affaiblissent, et à cinquante-six on aperçoit les premières rides.

Les crises périodiques, dont chacune peut être considérée comme un pas vers la destruction, n’auraient-elles lieu que tout les neuf, et peut-être tous les quatorze ans chez ceux qui au lieu d’être destinés à s’éteindre à quatre-vingt-quatre ans, pourraient vivre cent huit, ou même environ cent soixanl-huit ans, si toutes les circonstances diététiques et autres leur étaient constamment favorables ?

Dans plusieurs régions on voit beaucoup de centenaires, et on remarque parmi eux quelques hommes qui à l’âge de cent quarante ans ne sont pas accablés d’infirmités. Après un siècle d’existence ces hommes-là étaient encore dans leur vigueur. Dès le commencement, l’effet des années n’a pu être le même chez eux que pour les hommes dont toutes les forces devaient naturellement s’épuiser avant le dix-huitième ou le dix-neuvième lustre.

Malgré tant de hasards apparens, la durée de la vie ne serait-elle pas déterminée pour chacun de nous par l’étendue même de nos rôles intellectuels, dont la secrète concordance pourrait seule expliquer notre monde ? « Thoth doit avoir dit que les nombres étaient les formes accessibles de la pensée éternelle…, et que toute chose était la pensée de Dieu écrite. » Essais de palingénésie sociale ; Orphée, livre 7.