Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/381

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sont visiblement dictées par l’esprit de parti. En ne présentant qu’une face de chaque chose, on les défigure toutes. On fournit ainsi à la multitude de fausses données ; mais elles lui paraissent suffisantes, parce qu’il lui est à peu près indifférent de décider de travers, pourvu qu’elle se procure le plaisir de décider. Sans cette espèce de mensonge presque universel, comment les jugemens du public seraient-ils soumis à la mode ?

Note R. (p. 254)

Tant de légèreté se mêle à nos jugemens, qu’il peut être bon de prévenir, dans des questions graves, les objections les plus inconsidérées.

Il n’est nullement contradictoire de regarder les promesses de la vie future comme une consolation très-désirable au milieu des misères présentes, et d’alléguer néanmoins que la morale, et l’esprit d’ordre, suffiraient dans une société constituée avec sagesse, dans une société où on connaîtrait des malheurs sans doute, mais non l’affliction de la vie.

Celui qui écrit sur quelques parties de l’économie sociale ne peut éviter de heurter les opinions de ses compatriotes ou des étrangers. Mais, dans la vie privée, on fera bien ordinairement de ne s’attacher à détruire la croyance de qui que ce soit, fût-elle assez bizarre pour différer de celle des Européens. Dans un livre au contraire, un objet plus essentiel l’emporte sur des considérations louables sans