Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/384

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riels, tant que dure cette union ; mais ensuite les souvenirs ou la faculté de penser subsistent, et, malgré la décomposition du corps, le moi se perpétue. Si cela semble incompréhensible maintenant, continuent-ils, la nature a beaucoup d’autres parties impénétrables pour nous, et ce mystère n’étant qu’une suite des mystères de l’univers, il n’est pas permis de le mettre en doute.

Mais faudra-t-il admettre tout ce dont il serait difficile de démontrer l’impossibilité ? Que de rêves contradictoires on sera tenu d’admettre ! Quand nous croyons voir qu’une chose est, nous faisons bien de la supposer vraie, quoiqu’elle reste incompréhensible, surtout si elle appartient à un ordre de phénomènes généralement impénétrables. Mais si rien ne confirmait une hypothèse, ce serait une témérité d’y croire, uniquement parce que l’impossibilité de la chose échapperait peut-être à nos démonstrations. De tels motifs de croyance ne convenaient qu’à des Gètes qui, à ce qu’on prétend, n’avaient pas entendu parler de l’immortalité de l’ame, mais qui aussitôt se mirent à jouir pleinement de cet espoir sur la foi de Zamolxis.

« Ceux qui croient que des ames capables de sentiment mais incapables de raison, sont mortelles, ou qui soutiennent qu’il n’y a que les âmes raisonnables qui puissent avoir du sentiment, donnent beaucoup de prise aux monopsychites, car il sera toujours difficile de persuader aux hommes que les bêtes ne sentent rien, et quand ou accorde une fois que ce qui est capable de sentiment peut périr, il est difficile de maintenir par la raison, l’immortalité de nos ames. » De la conformité de la foi avec la raison. Leibnitz.

Idcirco unus interitus est hominis et jumentorum, et