Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/400

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En France nul sentiment patriotique ne demande l’exact maintien d’un mode qu’on avait bien fait de s’approprier, mais dont l’origine était étrangère. De la langue de Rome, enrichie elle-même par l’étude des lettres grecques, s’est formé autrefois le roman qu’on retrouve encore dans quelques retraites des Alpes. Avant les effets littéraires de a prise de Constantinople, on n’avait étudié qu’en grec ou en latin les anciens modèles, et on ne les avait imité que très faiblement. Plus tard, lorsqu’ils furent traduits, ce qui rappela d’une manière plus directe ces études, fut désigné sous le nom de classique ; mais ce qui avait appartenu au langage mixte formé en partie du celtique, ce qui s’était écarté davantage du siècle d’Auguste, fut appelé romantique, ou romain à la manière des barbares. Rien de littéraire n’est indigène parmi nous ; il faudrait que nous eussions ou les inspirations des bardes, les hymnes que les druides défendaient d’écrire, ou les chants guergiers de ces vieux Francs dont l’idiome même est devenu un sujet de contestation.

L’origine barbare, ou peu savante du genre romantique ne force pas à le condamner. On ne trouve guère d’autre principe aux diverses parties de notre civilisation, lorsqu’on remonte avec plus ou moins d’incertitude vers les premiers temps de l’histoire. Les contemporains des Héraclides ressemblèrent beaucoup à des barbares, et ensuite les vainqueurs des Samnites ont été des barbares selon les Athéniens et les Corinthiens. Les descendans d’une multitude de peuplades qui se souciaient peu des couronnes olympiques, ou de la tribune de Rome, conservent encore en beaucoup de lieux et l’espèce d’imagination, qui tient à l’indépendance de l’esprit, et ce pen-