Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/401

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chant pour les vieilles traditions, pour les vieux prestiges, pour les illusions sauvages qui doit entretenir le patriotisme sous un ciel sévère.

Les institutions et les maximes chevaleresques ne manquèrent ni d’originalité romantique, ni de dignité calculée ou d’élégance. Elles ont formé une sorte de lien entre le merveilleux des Sarmates ou des Scandinaves, et celui de l’Hellénie ou de l’Ausonie, entre Ossian et Virgile, entre Sophocle et la Huerta. L’amour moderne, l’amour chevaleresque s’est facilement introduit dans le genre classique. Quant aux émotions qui naissent de la crédulité, partout elles fournissent aux poètes ou aux romanciers des moyens inépuisables ; mais la superstition des hommes du nord paraît moins puérile, et plus puissante sur l’ame, que celle qui avait été transmise aux Grecs. Quand la chevalerie tomba en désuétude, la féodalité se voyait repoussée par l’opinion, et l’affranchissement des communes commençait à ôter à la littérature une sorte de grâce seigneuriale : il fallut y substituer une raison plus exacte, ou plus analogue aux intérêts de famille.

La hiérarchie du servage, dans la féodalité, réproduisait en quelque chose la classification orientale des castes, et de plus c’est de l’Orient que paraissent originaires la superstition opiniâtre, l’invariable habitude, le bonheur de ne pas ouvrir les yeux, système méritoire continué de nos jours, non sans maladresse, mais avec assez de ferveur. Si donc la question devenait tout-à-fait générale, on ne trouverait que deux espèces de civilisation bien connues : les lois inflexibles du Gange ou du Nil, et les lois ingénieuses de l’Ilyssus ou de l’Alphée. Cependant on pourrait désigner comme participant des deux modes, le