Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/403

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soins des générations les plus instruites et les plus agitées que le globe ait encore nourries.

Si, même alors, les Français conservent quelques scrupules particuliers, ce sera un hommage rendu au dix-septième siècle et au dix-huitième. Quand le jour en sera venu, quand on pourra mieux connaître les arrêts de cette postérité que tous envisagent, quoi qu’une barrière insurmontable nous en sépare tous, la gloire du dix-huitième siècle, aussi grande que la renommée du siècle précédent, paraîtra même fondée en partie sur des avantages plus solides.

Au temps de Despréaux le génie de la langue était formé, mais il n’avait pas reçu tous ses principaux développemens. Elle était plus éloignée de la perfection, et c’est pour cela même qu’on était plus porté à versifier. Les dialectes des peuples ignorans ont produit des poètes renommés et nul prosateur connu peut-être. Le véritable langage c’est l’expression simple, énergique et débarrassée des formes quelquefois heureuses, quelquefois arbitraires, que l’esprit admet dans ses jeux, en évitant l’enflure, ou de trop fréquentes licences, mais que la raison désapprouve dans toute occasion importante, et même dès que le sujet demande une sérieuse attention.

Si depuis Racine ou Bossuet on ne s’est pas mieux exprimé, on a exprimé plus de choses. Il devenait difficile de rendre la langue beaucoup plus harmonieuse, ou beaucoup plus forte ; mais on l’a étendue, et tous les genres sont entrés dans son domaine. L’art de décrire les lieux a fait récemment des progrès remarquables ; on les doit surtout à Bernardin, et sans doute le dix-neuvième siècle peut y ajouter encore. Des morceaux d’éloquence, et des