Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/412

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et leurs disciples avaient des faiblesses ou des passions comme les autres hommes, que le vice seul abuse des maximes adoptées par le sacerdoce, ou des indications laissées par les évangélistes, et qu’il ne faut pas reprocher ces désordres à l’Église, bien que durant des siècles de puissance elle ait paru s’occuper moins souvent de les arrêter que d’en tirer quelques avantages. Et pourtant les discoureurs ne craignent pas de redire, dans une des villes les plus éclairées, que les crimes de la révolution française ont été l’ouvrage de la philosophie ? Il est d’une fausseté palpable que des hommes auxquels on puisse donner le nom de philosophes aient alors obtenu assez d’ascendant pour exécuter leurs desseins, et que dans cette tourmente on ait fait l’expérience de ce que produirait eu faveur des peuples la paisible prépondérance de la raison. Il n’est pas vrai non plus que la révolution ait montré à la terre un mal nouveau. Dès les premiers temps peut-être tout mal cessa d’être inoui. Dès les premiers temps connus les nations se livrèrent à cet aveugle enthousiasme qu’on voudrait ranimer aujourd’hui, et cette ignorance les protégea long-temps contre l’indiscret amour du bien.

Il est difficile de changer les institutions d’un grand état sans que ce trouble amène des désastres. La droite raison aurait pu se faire entendre parmi nous ; l’étranger eut soin que la discorde n’en laissât pas le temps. Lorsque les commotions politiques se prolongent, nul homme juste ne saurait se maintenir au milieu de ces violences : la passion, ou la perfidie ont seules assez de souplesse et de promptitude. La bonne foi ne suffit-elle pas pour sentir que les malheurs de la révolution n’eurent pas de cause particulière à cette catastrophe ; qu’ils paraissent avoir été