Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/79

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d’entretenir en vous un vague sentiment de douleur, ou de chercher des idées de ruine dans l’épaisseur des bois jaunis, au milieu des branches rompues et oubliées sur la mousse humide.

Durant les hivers, la nature semble justifier nos arts. Dès long-temps affaiblis par notre manière de vivre, nous supporterions difficilement les frimas : il faut que nous nous renfermions dans nos retraites arides. Mais lorsque la température change, lorsque la liberté nous semble offerte, comme elle peut l’être en de certaines régions équatoriales, vraies demeures de l’homme, avons-nous besoin d’une industrie qui éloigne de nous les premiers dons ? Pourquoi rester dans l’obscurité de nos prisons bruyantes ? Un long travail a rassemblé ce plâtre, ce fer, ces briques ou ces marbres : un travail pénible arrange de mornes réduits derrière des portiques soigneusement ornés.

Dans les plaines même, auprès de la rose des buissons, vous écouterez des chants que le mouvement de l’air interrompra de temps à autre : vous y trouverez des indices de tant de biens qui n’ont jamais existé pour vous, mais que d’autres émotions vous ont fait aussi pressentir. Et quelquefois encore, vainement tourmentés de ces généreux mouvemens de l’ame qui ébranleront à peine la pesanteur des choses,