Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/83

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trouble de l’air ; c’est quelque bien qui s’offre et s’échappe sans s’éloigner ; c’est quelque idée d’une jeune amie incertaine encore, mais pensive et naturellement généreuse. Lorsqu’un léger souffle déplace ces grâces odorantes, bientôt il les ramène, et on ne les sentira pas au loin ; mais à cette faiblesse se joignent de la simplicité, de la constance même, et sans doute le précieux amour du sol natal. Les fleurs qui ont le plus d’éclat n’effacent pas la violette si tranquille, et souvent perdue dans l’herbe : il lui arrive de faire oublier la rose qui appelle les plaisirs, mais dont le pouvoir n’est guère qu’une erreur d’un moment. Celui de la violette, plus mystérieux, pénètre le cœur que la rose agite. La rose convient à la vive gaieté, elle ornera les jardins, et elle fut toujours recherchée dans les fêtes. La violette appartient au contentement ; elle fleurit surtout dans les prés inclinés au midi, non loin du murmure des eaux. Chérie des hommes bons, elle semble redire leurs plus douces affections, ou leurs plaintes sans amertume. Elle se trouve où se plaît un esprit sage ; elle choisit dans sa liberté, des aspects favorables, mais des pentes modestes, et elle embellit le silence des retraites les plus heureuses. Comme les cœurs droits des solitaires, elle s’épanouit aux beaux jours ; comme eux elle promet peu,